Le commerce équitable: mouvement social et modèle économique

Le commerce équitable : mouvement social et modèle économique

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« La pauvreté n’est pas un accident. Tout comme l’apartheid et l’esclavage, elle a été créée par les hommes et peut être supprimée par des actions communes de l’humanité » Nelson Mandela

La pauvreté a toujours existé et, malgré les progrès réalisés, elle reste extrême dans de nombreux pays plus particulièrement en Afrique, Asie et Amérique Latine. Les femmes, tout comme le sont les enfants, sont très affectées par celle-ci. Elles représentent 70% des 1,4 milliards de pauvres dans le monde et plus de 60% des 925 millions de personnes qui souffrent de la faim. Mais la pauvreté n’est pas irréversible. Au contraire, c’est en agissant et aidant ceux qui sont dans le besoin qu’elle peut être réduite voire éliminée. C’est dans cette optique d’aider les plus pauvres qu’un nouveau mouvement social s’est développé entre les années 1950 et 1980. Plus tard appelé commerce équitable, ce mouvement a pour but la promotion du commerce entre producteurs de pays en voie de développement et distributeurs de pays développés.

Ce mouvement social débuta en Europe et Amérique du Nord avec la création d’organisations de commerce alternatif (Alternative Trade Organizations). Ces organisations se différenciaient des autres modèles économiques de par leur accent sur la charité et la solidarité envers les plus défavorisés. Au lieu d’acheter des produits provenant de pays industrialisés, elles achetaient directement à de petits producteurs issus de pays pauvres et importaient ces biens sur les marchés de pays riches tels que les États-Unis, la France, l’Italie ou l’Espagne. Par la suite, elles ont été regroupées en 4 organisations de commerce équitable majeures comme la Fair Trade Federation aux Etats-Unis et au Canada. En 1988, le label «commerce équitable» fut introduit afin d’indiquer aux consommateurs qu’ils achetaient des biens fabriqués par des producteurs du Sud et donc, qu’ils contribuaient à l’amélioration des conditions de vie de ces derniers.

Le commerce équitable est aussi dédié à la résolution des problèmes sociaux et environnementaux dans ces pays. Sachant que les pays qui exportent leurs produits sont en situation d’instabilité politique, de guerre ou ne respectent pas les droits de l’Homme, les organisations participant au commerce équitable doivent s’assurer des conditions de travail sûres, du respect des droits de l’enfant ainsi que celui de l’environnement. Ce partenariat commercial international apporte équité aux artisans, fermiers, producteurs et travailleurs en leur garantissant des prix minimums et salaires justes, une prime de commerce équitable, la transparence, l’instauration de certaines conditions de travail, un partenariat à long terme et la durabilité. La garantie de prix équitables est essentielle pour que les producteurs puissent recevoir un salaire juste ainsi que la prime sociale. Cette prime est un fond communal, ajoutée au prix minimum, qui est ensuite investie dans la communauté pour améliorer les conditions sociales, économiques et environnementales de celle-ci. Elle peut être utilisée, entre autres, pour construire des écoles ou encore améliorer les soins médicaux. Un autre aspect important de ce modèle est l’éducation que de nombreuses organisations fournissent aux producteurs dans le but d’améliorer leurs compétences, les aider à commencer ou encore développer leur entreprise.

Le commerce équitable est une alternative aux modèles économiques classiques dont le principal but est l’autonomie des producteurs pour rendre leur vie meilleure, lutter contre la pauvreté et la précarité ainsi que participer au développement économique de ces pays à long terme. Mais qu’est ce qui fait du commerce équitable un modèle économique ?

En tant que modèle économique, le commerce équitable a un moyen précis d’assurer qu’il génère des revenus, plus particulièrement pour les producteurs qui dépendent de ceux-ci pour subvenir aux besoins de leur famille. Grâce à ce partenariat, les producteurs n’ont pas besoin de se préoccuper d’atteindre les clients puisque les partenaires importent directement leurs produits dans les pays développés et les distribuent dans les magasins ou les vendent en ligne. La stratégie de marketing d’une organisation ou d’une entreprise participant au commerce équitable est d’éduquer les consommateurs à propos des bienfaits de l’achat d’un produit unique provenant de pays du Sud afin d’aider les producteurs à sortir de la pauvreté et contribuer à la croissance économique de leurs communautés. Par exemple, une organisation ou un négociant qui travaille avec des artisans peut mettre en valeur le fait que ces produits fait main sont uniques contrairement à d’autres biens que l’on peut trouver sur le marché qui eux sont produits en grande quantité.

Malheureusement, le commerce équitable fait face à de nombreux défis qui remettent en question ce modèle. En effet, même si les producteurs ont la garantie de prix équitables, ceux-ci ne peuvent pas non plus être trop élevés pour être sûr d’attirer les acheteurs qui pourraient tout aussi bien se tourner vers un produit moins cher, quelle que soit son origine et malgré le fait qu’il ne soit pas issu du commerce équitable. De plus, le suivi clientèle représente un défi de par la difficulté de retourner les biens vendus aux producteurs, sachant qu’ils vivent dans des zones isolées dans d’autres pays et, pour la plupart, sur d’autres continents. En conséquence, le client ne peut être satisfait à 100% lorsqu’il ne peut pas retourner ou échanger un produit. Ce système contraint aussi les négociants à se déplacer pour rencontrer les producteurs et donc, la logistique peut parfois se révéler problématique. Un autre problème qui se pose est celui de l’instabilité des prix du marché qui peut affecter les producteurs. Ce n’est pas la variation des prix qui peut les toucher mais la quantité de produits que le négociant achète. Au final, malgré des prix équitables, le producteur n’a pas de réelle garantie d’un juste revenu.

Il ne faut pas non plus oublier que, malheureusement, pour qu’un producteur soit certifié ou que ses produits obtiennent le label «commerce équitable», les négociants et producteurs doivent parfois payer des frais élevés aux organisations de commerce équitable. Par conséquent, une somme d’argent moins importante parvient aux pays du Tiers Monde. Enfin, la situation politique de ces pays a toujours été, et est encore, un défi puisque les producteurs font face à la corruption, la violence et le non-respect des droits de l’Homme, plus particulièrement ceux de la femme et de l’enfant.

Le commerce équitable a toujours été vu comme un modèle économique prometteur assistant les plus démunis pour améliorer leurs conditions de vie et les aider à devenir autonomes. Malheureusement, le côté bénéfique du commerce équitable ne fait pas le poids contre les nombreux défis qui se présentent, si ceux-ci ne sont pas vite pris en charge. Cependant, ce système a apporté de nombreuses améliorations pour certains, plus particulièrement les femmes. Le travail effectué à travers le commerce équitable a porté assistance à de nombreuses femmes en leur redonnant de l’estime pour elles-mêmes, leur apportant une indépendance économique et l’autonomie grâce à leur participation au revenu du foyer. Toutes ces améliorations ont contribué à réduire l’inégalité des sexes dans certaines communautés ainsi qu’à résoudre des conflits. En conclusion, le mouvement du commerce équitable peut permettre la résolution de certains conflits et une stabilité politique meilleure dans des pays émergents en assurant l’autonomie des producteurs locaux.

Sacha Vignault, Université de La Rochelle, Stagiaire pour le Women’s International Center à San Diego (CA, USA)

 

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